Albert Maumené's Les Arbres Nains Japonais
(Dwarf Japanese Trees) (1902)

Chapitre III

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CHAPITRE III

UTILISATION, TRAITEMENT ET CONSERVATION DES ARBRES PYGMÉES EN EUROPE

I.  Utilisation décorative.  –  II.  Conservation des sujets importés.  –  III. Tailles et pincements.  –  IV. Rempotages et surfaçages.  --  V.  Engrais.  –  VI.  Hivernage et traitement des Conifères.  –  VII.  Hivernage et traitement des végétaux à feuillage caduc.

I. --  Utilisation décorative.

Sans assimiler le rôle ornemental que ces curieux végétaux peuvent jouer dans le décoration des appartements et des jardins, à celui que remplissent les plantes utilisées à cet effet, ils peuvent produire dans beaucoup de cas des effets fort curieux.

On peut très bien ménager dans un coin du jardin une petite scène japonaise, dans laquelle leur silhouette s'harmonisera parfaitement avec les autres sujets utilisés.  A défaut de scène de ce genre, leur dissémination dans le gazon, où le facies de quelques-uns surmontant et couronnant une roche à la façon des plantes saxatiles, aura quelque chose d'oriental.  Mais c'est principalement dans la décoration de la maison que leur élégante bizarrerie, empreinte de mièvrerie, est la mieux mise en relief, parmi les bibelots japonais à bas prix, ou les merveilles d'art lointain et les broderies orientales, qui envahissent maintenant nos demeures.  Les exemplaires les plus curieux peuvent fort bien être placés d'une façon intermittente sur le guéridon du boudoir, sur la cheminée du cabinet de travail ou sur quelque colonnade orientale.

N'oublions pas qu'en Angleterre principalement, on fait concourir certains sujets particulièrement curieux à la décoration des tables.  Il y a évidemment certaines essences, telles que les Erables, qui ne sont aucunement déplacées dans ces conditions.

II.  -- Conservation des sujets importés.

Il convient d'examiner si ces végétaux peuvent vivre en Europe.  Notre climat, pourtant différent de celui du Japon, ne saurait malgré cela être un obstacle à la conservation en bon état des arbres lilliputiens.  En Angleterre on est arrivé à maintenir en excellente santé de nombreux spécimens de ces arbres et même à les faire prospérer d'une façon parfaite.  Le roi Edouard en possède des spécimens superbes dans sa propriété de Sandringham.  En France, M. de Montesquiou a collectionné de magnifiques Thuyas qui depuis 1889 n'ont guère grandi, mais qui, par contre, sont des modèles de vigueur et de rusticité.

Beaucoup de personnes les considèrent absolument comme des plantes d'appartement et c'est là une erreur qui entraînera la perte d'un certain nombre.  Ces arbres, au contraire, sont pour la plupart des végétaux de plein air et doivent être placés dans un endroit mi-ombragé, soit au jardin, soit sur une terrasse.

Rien n'empêche de les porter de temps à autre et d'une façon intermittente, dans le salon à titre de curiosité et pour tirer parti de leur caractère décoratif, mais on doit les sortir ensuite.


 
F IG. 14 . -- U N GROUPE D'ARBRES NAINS A L' E XPOSITION D' H ORTICULTURE DE P ARIS

 
III. -- Tailles et pincements.

Afin de conserver à ces arbres leur forme primitive, il est nécessaire de pratiquer, chaque printemps, des tailles rigoureuses et, pendant l'été, des pincements sévères, principalement sur les espèces à feuillage caduc dont quelques bourgeons, malgré l'espace restreint réservé aux racines, tendent souvent à s'emporter au détriment des autres et détruisent l'harmonie de la forme.

Les Erables et autres végétaux à feuillage caduc sont d'abord rabattus rigoureusement au mois de février ; puis, dans le courant de la végétation, les pousses sont pincées (d'autant plus sévèrement qu'elles sont plus vigoureuses) dans les limites assignées par la forme de l'arbre et au-dessus de deux à quatre feuilles ; les pousses qui se développent à la suite de cette opération sont elles-mêmes traitées de la même façon.

Les rameaux vigoureux des : Pêchers, Pruniers, Cersiers, Grenadiers, Lagerstrœmia indica, etc., sont rabattus en février alors que les brindilles florifères ne le seront qu'après la floraison.  La Glycine, qui est très vigoureuse, est pincée à diverses reprises au-dessus de quatre à cinq feuilles, afin de provoquer une floraison continue ; il en est de même pour le Chèvrefeuille.

Les Conifères en général, à l'exception des Pins, dont on ne pince pas les bourgeons trop longs pour conserver leur forme restreinte, ont toutes leurs ramifications pincées pendant la végétation.

Les autres arbustes à feuillage persistant comme les Azalées, sont pincés et taillés après la floraison, lorsque celle-ci a lieu au printemps ; dès le mois de février si l'épanouissement des fleurs est très tardif.

IV. -- Rempotages et surfaçages.

On ne doit pas, sous prétexte de leur fournir de la nourriture, rempoter les arbres nains dans des récipients trop grands, encore moins les mettre en pleine terre ; la nature aurait alors vite fait de reprendre ses droits et il n'y aurait guère que les Conifères qui garderaient à peu près leur forme minuscule.  Pour que ces arbres restent nains, il est nécessaire de maintenir les racines dans des limites très étroites.

Le changement de terre peut être fait tous les trois à cinq ans et encore emploie-t-on le même récipient ou un autre imperceptiblement plus grand.  Le sujet étant enlevé de sa jardinière la motte est dégagée sur son pourtour de la vieille terre, comme on le fait pour la majorité des plantes cultivées en pots ; on en profite pour supprimer les racines qui tendraient à prendre trop de développement.  Le vase étant bien draîné, on y place la motte et la plante bien en équilibre, sur un peu de nouveau compost, puis on glisse ce même compost dans le vide du pourtour en appuyant régulièrement à l'aide d'une baguette afin de combler tous les interstices.  On doit prendre les mêmes précautions que s'il s'agissait de Bruyères ou de plantes de la Nouvelle-Hollande.  Ce compost peut être un mélange de terreau de feuilles, de terre de bruyère et de terre de jardin.

La meilleure époque pour procéder au rempotage est le mois de février-mars, avant le départ de la végétation.  Après un certain nombre de rempotages dans un même vase, l'arbre ayant quelque peu grossi il faut le mettre dans un plus grand, mais le plus juste possible étant donné que l'on vise surtout à la petitesse de la plante.

Pour les sujets cultivés dans des jardinières peu profondes, cuvettes basses ou plateaux, on procède annuellement au surfaçage en enlevant la partie supérieure du vieux sol et en la remplaçant par du neuf afin que la végétation normale des plantes se maintienne.  La même opération peut être faite pour les sujets dont on voudrait retarder le rempotage d'une année.

Naturellement, un arrosage copieux, facilitant l'adhérence de l'ancienne et de la nouvelle terre doit suivre chaque rempotage ou surfaçage.


 
F IG. 15 . -- T HUYA  (ARRANGEMENT M IKOSHI).

 
V. -- Engrais.

Il est bon de faire chaque année quelques applications d'engrais doux aux arbres qui n'ont pas été rempotés.  Ces distributions se font deux fois par mois de mars à juin en les évitant pendant les mois chauds, l'automne et l'hiver.

Celui qui convient le mieux est une poudre fine de tourteaux et d'os calcinés.  La quantité à donner par plante est d'environ trois cuillerées à café par jardinière de 0 m 30 de diamètre et une demi-cuillerée pour celles de 0 m 10 à 0 m 12.  Il n'y a donc qu'à proportionner la dose pour les tailles intermédiaires.  Cette poudre est parsemée sur la surface du sol ; l'eau des arrosages dissout et porte les matières nutritives aux racines.

VI. -- Hivernage et traitement des Conifères.

En général les arbres à feuillage persistant ou caduc peuvent supporter la température extérieure pendant la mauvaise saison ; mais en raison des vases qui les contiennent, ils se trouvent plus exposés à souffrir des atteintes du froid.  Il est donc plus prudent de les hiverner dans un local éclairé où on ne fait pas de feu, en ayant soin d'aérer fréquemment ; on les sort de temps à autre lorsqu'il ne gèle pas et en n'oubliant pas de le faire presque journellement dès février-mars, afin de ne pas provoquer une végétation trop hâtive qui serait étiolée.

Il convient principalement de leur épargner l'âpre morsure des gelées printanières tardives, au moment où la sève gonfle les bourgeons.

Pendant le printemps et l'été, les Chamæcyparis obtusa sont disposés dans une situation éclairée et aérée ; on arrose juste suffisamment pour que la terre se maintienne fraîche en évitant une trop grande humidité, ou une sécheresse persistante, l'excès ou le manque d'eau étant également nuisibles.  Pendant l'hiver les arrosages doivent être distancés.

Ces arbres peuvent fort bien orner une terrasse, un perron, un balcon, à condition de ne pas les exposer continuellement à un soleil brûlant.

Lorsqu'on les fait concourir à la décoration des pièces, on doit les sortir dès qu'ils ne sont plus nécessaires et ne pas manquer de les placer chaque nuit dehors.

Les divers Pins, tout en étant moins influencés par les agents extérieurs, peuvent être traités ainsi, mais leurs feuilles tombent plus vite et ils souffrent d'avantage d'un séjour par trop prolongé dans l'appartement.

Les Azalées et autres arbustes à feuillage persistant s'accomodent fort bien du traitement des Chamæcyparis, en les plaçant toutefois à une exposition moins ensoleilée.


 
F IG. 16 . -- S ERRE DE LA PÉPINIÈRE YAMANAKA A O SAKA.

 
VII. -- Hivernage et traitement des végétaux à feuillage caduc.

Les indications énumérées dans le paragraphe précédent trouvent leur application pour cette catégorie d'arbustes.  Les Erables peuvent fort bien passer l'hiver dans les endroits abrités, mais il est plus prudent, s'il n'en est pas ainsi, de les mettre à l'abri dans un local frais dès la chute des feuilles, qui correspond avec la fin de l'automne.  On ne doit pas laisser la terre complètement sèche en hiver, et l'été il convient d'arroser suffisamment pour ne pas provoquer la chute anticipée des feuilles.

De bonne heure au printemps, on les place en plein air à une situation bien exposée, afin d'obtenir un feuillage robuste et résistant, tenant mieux en appartement.

Ajoutons que pendant les fortes chaleurs estivales, les légers bassinages du feuillage faits le soir ne peuvent être que favorables à une végétation régulière et normale.

La taille printanière des rameaux de l'année précédente et les pincements sévères et successifs pendant l'été ne doivent pas être omis pour la série des arbustes à feuillage caduc, dont certains bourgeons tendent toujours à se développer vigoureusement au détriment de la forme générale et des autres plus frêles.


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